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Démystifier l’univers des Wargames : jeux historiques et éducatifs

Lors de notre précédent podcast, j’ai eu la chance de collaborer avec un amateur de jeux de stratégies et de tactiques : Jean Massue. Nous avons ainsi exploré l’univers jugé obscur et élitiste des Wargames. À travers notre discussion, j’ai eu la surprise de déconstruire mes idées préconçues et de découvrir un monde historique et éducatif. Allons explorer et démystifier l’univers des Wargames!


Comme Jean l’indiquait lors de notre discussion, les Wargames ont souvent une mauvaise image dans le monde des jeux de société. Parfois considérés comme des jeux purement de combats ou des jeux seulement accessibles à un public avisé ayant des années d’expertises. Non seulement ces préjugés sont-ils faux, mais les Wargames s’avèrent des jeux à la fois éducatifs, accessibles à tous et, surtout, qui permettent de développer des habiletés interpersonnelles et sociales en contexte de jeu.


Survol historique

Au niveau historique, trois branches de jeux de guerre ont conjointement évolué : les jeux de figurines, le jeu de Go et les Échecs.

1) Les jeux de figurines : Le premier wargame aurait été proposé par J. Clerk, ayant créé un wargame naval. Ce jeu consistait en des petits bâtonnets de bois représentant des navires de guerre. Les règles du jeu tenaient compte des effets du vent, des variations de puissance de feu des navires et de leur résistance aux dégâts. Ce wargame naval serait considéré comme le premier véritable wargame avec figurines (miniatures wargames).

2) Le jeu de Go : Le jeu de Go était autrefois utilisé dans l’éducation et la formation des élites de la société chinoise. Une première académie de Go ouvre ses portes en 1603.

3) Les Échecs : Les premières tentatives de transformation du jeu en outil de simulation de batailles apparaissent dans les années 1640 en Prusse, par la création des Échecs de guerre (jeu du roi). En 1780, C.L. Helyig conçoit un plateau de jeu de 1666 cases et de 120 pièces pour chaque camp. Des éléments de terrains sont représentés par des cases colorées et un arbitre est introduit pour faciliter le déroulement du jeu et résoudre les affrontements entre les pièces. En 1797, le prussien G. Vinturinus, conçoit la première carte topographique composée de 3600 cases dessinées. Cette carte devient le premier wargame sur carte à être créé.

Les Wargames sont plus ouvertement apparus au public dans les années 1950 par la publication du jeu Tactics par Charles, S. Roberts. Ce jeu de guerre entre deux pays imaginaires avec des armées de la Seconde Guerre mondiale a connu un bon succès, ce qui encouragea Roberts a fondé The Avalon Hill Game Company à la fin des années 1950. Les jeux Gettysburg et Tactics II furent les prochains jeux de style Wargames à apparaître sur le marché (Costikyan, 1994).

C’est avec l’apparition du magazine The General que la communauté de Wargames grandit. Le magazine permettait ainsi de rejoindre les adeptes de jeux de guerres historiques.

À la fin des années 1960, le fanzine Strategy & Tactics est créé par James Dunnigan et Redmond Simonsen afin de populariser les Wargames. Ils fondèrent également Simulations Publications Inc (SPI) qui devint alors un producteur de Wargames. Bientôt une convention annuelle de wargames apparut; Origins Games Fair en 1975, afin de rassembler les wargamers (Costikyan, 1994).

Qu’est-ce qu’un Wargame?

Un Wargame se définit comme suit :

« Un jeu de stratégie simulant un conflit. Dans le contexte de ce conflit, des joueurs s’affrontent selon des conditions de victoire, en utilisant des tuiles, des pions ou des figurines représentant les atouts de chaque joueur. Le Wargame se caractérise alors par la gestion du risque et par la prise de décisions. » (BannerWar, 2020).


Il existerait ainsi différentes « catégories » de Wargames :

1) Les Wargames historiques: ces wargames simulent des batailles historiques. Allant de la Rome Antique à la Guerre froide, plusieurs périodes historiques de conflits peuvent être représentées. Le contexte historique et réaliste des conflits suppose que les joueurs interprètent des chefs de guerres et des organisations ayant déjà existé, ce qui ajoute une variable éducative au jeu. Les forces en jeu ne sont pas nécessairement équilibrées et les joueurs n'ont pas forcément les mêmes objectifs de victoire.

2) Les Wargames fantastiques : ces wargames simulent aussi bien des batailles que des activités de combats, dans des contextes fictifs. L’on retrouve des wargames abordant des thématiques de combats provenant d’univers fantastiques, aussi bien que des combats de vaisseaux spatiaux ou bien des batailles libres, sans contexte historique ou conflits.

3) Les jeux de société et vidéos de style wargames : Certains jeux, tels que les échecs, certains jeux vidéo abordant des conflits historiques et certaines activités de grandeur nature vont reproduire et reconstituer des batailles historiques. Ces jeux ne sont pas à proprement parler des wargames, mais partagent une base similaire de simulation de conflits (BannerWar, 2020).


Comment ça fonctionne?

Les wargames permettent de simuler des batailles historiques et de revivre l’Histoire ou d’en créer une nouvelle. Le jeu fonctionne sous la forme de simulations de guerres. Ces simulations se font grâce à des cartes, des figurines, des pions ou, parfois, grâce à la technologie informatique. Diverses échelles de simulations sont proposées dans les wargames :

1) L’échelle de simulation stratégique : chaque unité en jeu représente des armées. L’environnement de jeu peut être un pays, un continent ou une partie du monde. Les joueurs doivent gérer les combats, mais également les ressources, l’économie et la politique, par exemple : une simulation de la Seconde Guerre mondiale en Europe.

2) L’échelle de simulation opérationnelle : les joueurs ne prennent en compte qu’une partie d’un plus grand conflit, notamment dans la gestion opérationnelle d’une mission dans laquelle les joueurs manient des divisions et non des armées, par exemple : la compagne de Normandie.

3) L’échelle de simulation tactique : l’échelle des unités est représentative d’un bataillon ou d'une compagnie à plus petite échelle. Il y a simulation de batailles, par exemple : la bataille de Stalingrad.

4) L’échelle de simulation « subtactique » : il s’agit de la gestion d’un bataillon, mais à plus petite échelle. Les combats se font sur des conflits spécifiques, par exemple : les combats de l’usine de tracteurs de la bataille de Stalingrad.

5) L’échelle de simulation « escarmouche » : ce sont des petits combats entre des soldats isolés ou dans lesquels chaque combattant est individuel. Les facteurs moraux, de portée d’armes et d’habiletés de combats sont pris en considération (Organistus, 2012).

L’apprentissage historique et éducatif

Il est intéressant de savoir que depuis 2002, et la naissance officielle des serious games (jeux dont l’intention initiale est de combiner des aspects sérieux, tels que l’enseignement et la communication, avec des intentions ludiques issues du jeu (Alvarez et Djaouti, 2020)), les wargames sont considérés comme des jeux « sérieux », utilisés par plusieurs professionnels dans la simulation et la préparation aux stratégies militaires et d’entreprises.

Ainsi, le wargame est une forme de serious game qui tente de « recréer un affrontement réel ou imaginaire dans un espace et un temps définis » (Foley et Pierre‑Pierre, 2007).


C’est un outil qui permet la visualisation d’informations stratégiques, l’exploration de différents choix possibles et qui permet la reconnaissance de ses faiblesses et de celles d’autrui. De plus, il s’agit d’un jeu collectif qui possède une importante dimension communicationnelle, tel que le partage de certaines entre participants (Goria, 2014).


Les wargames permettent le développement de plusieurs habiletés :

1) Habiletés pédagogiques : Les wargames peuvent aider dans l’assistance à la pédagogie et l’enseignement de contenus historiques. Ces jeux permettent d’offrir un sens aux expériences du passé et servent de support au discours éducatif.

2) Habiletés identitaires et d’affirmation de soi : Ce jeu peut servir de soutien dans l’affirmation de soi et la revendication identitaire, tout autant dans son aspect culturel et historique, et dans la mise en place de l’affirmation en cours de jeu, notamment en s’affirmant individuellement comme un bon « leader » ou « chef de guerre ».

3) Habiletés stratégiques et cognitives : Les wargames peuvent servir de supports visuels afin d’expliquer les contextes de conflits et de mettre de l’avant les stratégies et les tactiques nécessaires dans le contexte de la prise de décisions militaires ou politiques. Ce jeu permet de travailler et de développer les habiletés cognitives nécessaires dans le réflexion approfondie, la prise de décision, l'empathie et l'organisation.

4) Habiletés éducatives et d’apprentissage : une dynamique de jeu est créée par les différents éléments manipulés. Différentes options de jeu sont possibles et permettent des apprentissages variés aux joueurs. En ce sens, des stratégies simples peuvent être mises en place, afin de montrer le jeu et d’établir un dialogue autant avec les enfants qu’avec les personnes âgées. Les wargames deviennent alors des jeux à la fois éducatifs et accessibles à une large part de la population (Goria, 2014).

Ainsi, les wargames sont bien plus que des jeux de combats et d’histoire, ce sont des moyens d’apprendre et d’approfondir ses connaissances historiques et culturelles, des moyens de développer nos réflexions critiques à travers les stratégies militaires et politiques, des moyens de développer des habiletés communicationnelles et interpersonnelles, mais également les wargames nous permettre de mieux comprendre notre Histoire, nos erreurs et réussites historiques et nos perspectives futures.

Références :

BannerWar. (2020). Wargame : Jeu de société de réflexion et de stratégie. Retracé à http://www.bannerwar.fr/page/wargame.php

Costikyan, G. (1994). Une brève histoire du jeu de simulation papier – Première partie 1re partie – Les jeux de plateau, les jeux de figurines et les wargames. PTGPTB+. Retracé à https://ptgptb.fr/une-breve-histoire-du-jeu-de-simulation-papier-1

Organistus (2012). Le wargame, qu’est-ce que c’est? Mes Goûts réunis. Retracé à http://organistus.canalblog.com/pages/le-wargame--qu-est-ce-que-c-est--/24980289.html

Goria, S. (2014). « Wargames et stratégies de communication », Communication et organisation [En ligne], 42 | 2012, mis en ligne le 01 décembre 2014, consulté le 24 mai 2020. URL : http://journals.openedition.org/communicationorganisation/3903 ; DOI : https://doi.org/10.4000/communicationorganisation.3903




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